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Ceci n’est pas un article au sujet de la discussion entre la position complémentariste et la position égalitariste. Ces sujets comptent, bien entendu, mais cet article porte sur la question que se posent des complémentaristes, qui se revendiquent comme tels, et se demandent si leur théologie peut permettre, ou devrait permettre aux femmes de prêcher.

Voici la question que je voudrais poser :

Existe-t-il quelque justification biblique, quand on a des convictions fondamentalement complémentaristes, pour la pratique de la prédication féminine de sermons dans un culte du dimanche ?

La plupart des personnes qui lisent mes articles comprennent immédiatement la pertinence de cette question. Je ne suis pas en train de répéter les cas où cette question a été suscitée ou étudiée dans des commentaires à mes derniers écrits. Je suis plutôt en train de m’interroger sur ce que je pense être le meilleur argumentaire, dans une perspective complémentariste, pour permettre aux femmes de prêcher. Je présenterai, aussi justement que je le peux, l’argumentation qui soutient que les femmes peuvent prêcher. Puis, je montrerai la raison pour laquelle cette argumentation – quelle que puisse être son apparence de cohérence au premier abord – n’est pas convaincante.

Entendre sa voix

La meilleure argumentation qui m’ait été donné de lire en faveur de la prédication féminine vient du pasteur et apologiste australien John Dickson, à travers son livre Hearing Her Voice: A Biblical Invitation for Women to Preach (Entendre sa voix : une invitation biblique à prêcher pour les femmes) (Zondervan, 2014). Les fortes appréciations de J. I. Packer, Craig Blomberg, Graham Cole et Chris Wright dont bénéficie le livre, ont certainement contribué à son influence. Même si vous ne l’avez pas lu, je suis presque certain qu’il a influencé des personnes que vous connaissez. En plus d’être recommandé par des enseignants évangéliques très respectés, l’ouvrage de Dickson est un modèle de clarté et d’accessibilité. En un peu plus de 100 pages, il développe une pensée approfondie et directe – par quelqu’un qui admet lui-même être un « complémentariste ouvert » (88) — en faveur de la légitimité de la prédication féminine de sermons lors des cultes dominicaux.

Sans surprise, Dickson se concentre sur 1 Timothée 2:12. Alors que son application semble évidente pour beaucoup d’entre nous – les femmes ne sont pas autorisées à enseigner ou à exercer l’autorité, aussi, elles ne devraient pas prêcher de sermons — Dickson explique que nous avons mal compris ce que Paul entendait par « enseigner ». « Tout simplement, » écrit Dickson, « il existe de nombreux ministères de prise de parole publique, mentionnés dans le Nouveau Testament — enseigner, exhorter, évangéliser, prophétiser, lire et ainsi de suite – et Paul réserve juste l’un d’entre eux aux hommes qualifiés : ‘enseigner’ » (11–12).

Au cœur de l’argumentation de Dickson se trouve un simple syllogisme, que nous pouvons résumer comme suit :

  1. La seule chose que les femmes ne peuvent pas faire durant l’adoration, c’est enseigner.
  2. Pour Paul, enseigner était une entreprise technique et étroitement définie, qui n’est pas la même chose que notre sermon moderne.
  3. C’est pourquoi, les femmes peuvent parler de presque toutes les manières dans les services de l’église, ce qui inclut la prédication du sermon.

Aussi, si le fait de prêcher un sermon n’est pas considéré comme le fait d’enseigner, qu’est-ce que Paul entendait par enseigner ? Dickson explique :

1 Timothée 2:12 ne fait pas référence à un type général de prise de parole fondé sur l’Écriture. Au contraire, cela fait référence à une activité spécifique qu’on trouve au fil des pages du Nouveau Testament, c’est à dire préserver et poser la tradition transmise par les apôtres. Cette activité est différente de l’explication et de l’application d’un passage de la Bible, que l’on trouve aujourd’hui dans un sermon d’exposition du texte biblique typique. (12)

Dickson construit le raisonnement qui mène à cette conclusion préliminaire en quatre parties.

Première partie. Différentes formes de prise de parole publique sont mentionnées dans la Bible : prophétiser, évangéliser, lire à haute voix, exhorter, enseigner et ainsi de suite. Nous savons, d’après des textes comme 1 Corinthiens 12:28, 1 Corinthiens 14, Romains 12:4–8, et 1 Timothée 4:13, que Paul ne considérait pas que ces ministères de parole publique soient identiques. Il n’y a qu’un seul type de ces ministères de prise de parole en public – l’activité d’enseignement – qui soit réservé aux hommes (27).

Deuxième partie. Dans l’ancien monde, et spécifiquement pour Paul, enseigner (didasko) était un terme technique utilisé pour transmettre une tradition orale donnée (34, 45). Enseigner ne serait pas exposer ou expliquer, mais transmettre des paroles intactes (33). Avec l’achèvement du canon biblique, il n’existe plus le même besoin d’enseigner, au sens technique du terme.

Troisième partie. Dans le Nouveau Testament, enseigner ne signifie jamais expliquer ou appliquer un passage biblique (50, 54). Un enseignant était quelqu’un qui transmettait soigneusement les traditions données, ou le corpus des paroles apostoliques, de leur source originelle à la nouvelle communauté de foi (57, 59, 61). Certains sermons contemporains peuvent contenir des éléments de cette transmission, mais ce n’est pas la fonction normale de l’exposition hebdomadaire de la Parole (64). Ce que nous appelons le sermon est plus justement appelé exhortation (65).

Quatrième partie. Le dépôt apostolique se trouve maintenant dans les pages du Nouveau Testament. Aucun individu n’a la charge de préserver et de transmettre la tradition orale fixée au sujet de Jésus (72, 74). Nos prédicateurs peuvent ressembler aux anciens enseignants, mais nous ne préservons pas ni ne transmettons le dépôt apostolique au même degré, de la même manière ou avec la même autorité (73, 75). Le sermon type, dans lequel un prédicateur commente l’enseignement des apôtres, exhorte à suivre cet enseignement, puis l’applique, n’est lui-même pas en train d’enseigner. Le sermon moderne est, selon votre (sa ?) définition, davantage semblable à la prophétie ou à l’exhortation, lesquelles sont toutes deux ouvertes aux femmes (75).

Du oui au non

Dickson, pour appuyer sa démonstration, incorpore des notes de bas de page académiques, mais il fournit aussi tout au long de son livre des mises en garde et des qualifications. Mais l’essentiel de son argument est d’une simplicité saisissante : enseigner n’est pas ce que nous faisons quand nous prêchons un sermon. Seul l’enseignement est défendu aux femmes. Donc, les femmes peuvent prêcher des sermons dans nos églises.

Je trouve que la thèse de Dickson n’est pas convaincante pour deux raisons de base. Je crois que sa compréhension de l’enseignement d’autrefois est excessivement restrictive, et que sa perception de la prédication contemporaine est excessivement légère. Qu’il me soit permis de présenter cette conclusion en considérant l’enseignement depuis des angles variés.

L’enseignement dans l’église primitive

La force de l’approche de Dickson est qu’il étudie avec justesse les différents termes concernant le ministère de prise de parole publique dans le Nouveau Testament. Il est vrai que enseigner, exhorter, prophétiser et lire à haute voix ne sont pas des réalités identiques. Et pourtant, sa définition excessivement technique du terme « enseigner » ne cadre pas avec l’évidence et, en certaines occasions, elle ne correspond même pas au sens commun. Si « je ne permets pas à la femme d’enseigner » peut signifier « je permets à la femme de prêcher parce que le fait de prêcher n’implique pas l’enseignement », nous sommes obligés d’employer des définitions très restrictives de prêcher et d’enseigner.

Plus encore, nous devons nous poser la question de savoir pourquoi cette façon très nuancée de lire le texte biblique a été perdue par presque tous les commentateurs depuis deux mille ans. Dans une note finale révélatrice, à la dernière page de son livre, Dickson reconnaît : « Je n’ai aucun doute qu’au cours du temps, le terme « enseigner » dans l’église primitive en est venu à signifier expliquer et appliquer les paroles écrites du Nouveau Testament (et de la Bible entière). Cela serait une direction de recherche intéressante, mais je ne suis pas sûr que cela renverserait l’évidence que dans  1 Tim. 2:12 Paul avait en tête une signification différente de ce terme important » (104). Il est très significatif que l’auteur admette cela. Mais cela entraîne la question : « Si ‘enseigner’ dans l’ancien monde avait clairement le sens étroit de répéter les traditions orales, pourquoi personne ne semble avoir envisagé cette définition exclusivement technique ? » Pour nous, c’est certain, la Bible est l’autorité finale, mais quand un argument repose si lourdement sur le contexte du premier siècle, nous devrions nous attendre à ce qu’on ait vu l’argument se renforcer durant les premiers siècles de l’église, et non être ébranlé.

Quand un argument repose si lourdement sur le contexte du premier siècle, nous devrions nous attendre à ce qu’on ait vu l’argument se renforcer durant les premiers siècles de l’église, et non être ébranlé.

Prenez, par exemple la Didaché. Ce document de la fin du premier siècle a beaucoup à dire au sujet des enseignants. Ils sont censés « enseigner toutes ces choses qui ont seulement été mentionnées » [dans les dix premiers chapitres du livre] (11:1). Ils doivent enseigner ce qui est en accord avec l’ordre de l’église tel qu’il est exposé dans la Didaché (11:2). Chose importante, la Didaché nous assure l’existence d’enseignants, d’apôtres et de prophètes itinérants, dont il nous est dit pour tous qu’ils enseignent (didaskon) (11:10-11). Il est tout à fait parlant de constater que « enseigner » est un terme suffisamment large pour inclure ce que font les prophètes et autres orateurs, sans mentionner la Didaché elle-même.

Alors que « enseigner » peut certainement inclure le fait de transmettre les traditions orales au sujet de Jésus, le terme ne peut être limité seulement à cela. Comme l’explique Hughes Oliphant Old : « la Didaché présume qu’il existe un large ensemble de prophètes, enseignants, évêques et diacres qui se consacrent à temps plein à leur prédication et à leur enseignement » (The Reading and Preaching of the Scriptures – La lecture et la prédication des Écritures), 1:256). Quand on a des prédicateurs à temps plein et une « assemblée quotidienne des saints à laquelle la Parole était prêchée » il est difficile d’imaginer que ces ministères variés engagés dans l’ « enseignement » auraient évité constamment d’expliquer tous les textes bibliques.

Bien entendu, les vrais enseignants transmettaient le dépôt apostolique, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne faisaient que répéter les paroles de Jésus. Dans la Didaché il est ordonné aux parents d’enseigner (didaxeis) la crainte du Seigneur à leurs enfants (4:9). L’auteur (ou les auteurs) ne pense apparemment pas que l’enseignement soit réduit à une définition hautement technique. Il ne pense pas non plus que prêcher soit juste un peu plus qu’un commentaire suivi accompagné d’applications. « Mon enfant, souviens-toi nuit et jour de celui qui te prêche la parole de Dieu et honore-le comme si c’était le Seigneur. Car partout où la nature du Seigneur est prêchée, là est le Seigneur » (4:1). Selon la Didaché, l’enseignement est plus large que la transmission des traditions orales, et prêcher implique plus que quelques paroles d’exhortation.

L’enseignement dans la synagogue

Un des points-clefs de l’argumentation de Dickson est que la conception paulinienne de l’enseignement est enracinée dans la pratique des Pharisiens, qui transmettaient les traditions orales de leurs pères (Marc 7:7). Tout comme les Pharisiens pouvaient répéter les paroles de Hillel, ainsi les enseignants du Nouveau Testament répètent les paroles de Jésus. Selon Dickson le parallèle le plus proche de l’« enseignement » du Nouveau Testament est la transmission des traditions rabbiniques que nous trouvons répétées et compilées dans la Mishnah (39).
Ceci constitue un axe important du raisonnement pour Dickson, quelque chose qu’il répète plusieurs fois (39, 73, 100). Le problème que pose cet argument est double.

Premièrement, alors que la Mishnah recueille les paroles des rabbins des premier et second siècles, ces rabbins se considéraient comme expliquant et appliquant la Torah. En d’autres termes, même si la Mishnah est notre exemple d’« enseignement » il n’existe pas de ligne claire qui sépare la « tradition orale » de l’« explication des textes ».

Deuxièmement, le service à la synagogue juive fournit un bien meilleur parallèle avec les premiers services d’adoration chrétienne que la Mishnah. Après tout, Paul parle de l’adoration collective en 1 Timothée 2. Durant les siècles qui mènent à l’ère chrétienne, les Juifs ont cultivé l’art de prêcher et lui ont donné une large place dans l’adoration à la synagogue. Selon Old : « il existait un large noyau d’hommes consacrés qui avaient voué leur vie à l’étude des Écritures et qui se préparaient à prêcher quand les conducteurs de la synagogue les y invitaient » (The Reading and Preaching of the Scriptures, 1:102). Cela a plus de sens de se représenter que Paul avait dans la pensée la tradition bien développée d’hommes pratiquant l’exposition de la Parole dans le service d’adoration juif, quand il défend aux femmes d’enseigner en 1 Timothée 2:12, plutôt qu’une opposition à la simple répétition des traditions orales.

Ainsi, lorsque Paul défend aux femmes d’enseigner, en 1 Timothée 2.12, il se référait certainement à la tradition juive, dans laquelle enseigner signifiait exposer la Parole, et non pas transmettre oralement leurs traditions.

L’enseignement dans l’Ancien Testament

Mieux encore, ce ministère d’enseignement dans la synagogue trouvait lui-même ses racines dans l’Ancien Testament. Moïse enseignait (didasko, LXX) au peuple les statuts et les lois de Dieu – les répétant, oui, mais aussi les expliquant et les appliquant (Deut. 4:1–14). Les prêtres, au moins certains d’entre eux, devaient être des prêtres qui enseignaient (2 Chr. 15:3), parcourant les cités de Juda et enseignant (édidaskon, LXX) au peuple le Livre de la Loi (2 Chr. 17:9). Esdras avait consacré son cœur à étudier la Loi du Seigneur et à enseigner (didaskein, LXX) ses statuts et ses lois en Israël (Esdras 7:10). De même, Esdras et les Lévites lisaient la Loi de Dieu et enseignaient (édidasken, LXX) au peuple de sorte qu’ils puissent en comprendre la lecture (Néh. 8:8).

Les pratiques décrites en Esdras et Néhémie donnent toutes les indications qu’elles étaient déjà bien établies. Il y a les textes, il y a les enseignants et il y a une congrégation. Nous avons en miniature les éléments les plus essentiels des services de la synagogue juive, et des services chrétiens qui allaient utiliser l’adoration de la synagogue comme leur point de départ. Il est difficile d’imaginer ce que Paul entendait communiquer, si ce n’est ce que son auditoire pourrait comprendre, quand il parlait d’« enseigner », s’il n’avait en tête rien de l’Ancien Testament ou de la tradition juive et ne pensait qu’à la transmission, par les Pharisiens, des traditions orales. Dans chaque citation de l’Ancien Testament ci-dessus, l’enseignant explique un texte écrit. Cela ne signifie pas que didasko doit impliquer l’exposition de la Parole, mais la charge de la preuve repose sur ceux qui affirment que cela ne le signifie très certainement pas.

L’enseignement dans le Nouveau Testament

Je suis d’accord avec Dickson sur le fait que la prohibition contre l’enseignement des femmes en 1 Timothée 2:12 ne devrait pas être prise dans le sens le plus large possible. Paul ne veut pas dire qu’il faut interdire aux femmes de transmettre de la connaissance à quelqu’un d’autre. Il traite de ce qui est approprié dans l’adoration, et non pas du type d’enseignement que nous trouvons pratiqué de femme à femme en Tite 2 ou de Priscille et Aquilas à Apollos en Actes 18. Mais le fait que nous rejetions la définition la plus large de l’enseignement ne signifie pas que la seule autre option est la définition la plus étroite. Dickson voudrait que nous déclarions qu’« enseigner », c’est transmettre une tradition orale. C’était certainement une partie de l’enseignement aux temps apostoliques, mais bon nombre des passages du Nouveau Testament qui parlent de la tradition apostolique ne mentionnent jamais didasko (1 Cor. 2:2; 3:10; 11:2; 11:23–26; 15:1–11; Gal. 1:6–9; 1 Thess. 4:1–2). Le langage employé, au contraire, parle de recevoir, communiquer ou de transmettre.

Un point crucial dans cette argumentation est que le Sermon sur la Montagne reçoit l’appellation d’« enseignement » (Matt. 7:28–29). Selon Dickson, le Sermon sur la Montagne est de l’« enseignement » parce que Jésus y corrige la tradition des scribes et met en place ses propres traditions pleines d’autorité. Ce que Jésus ne fait pas, c’est d’exposer un texte (54). Bien entendu, Dickson a raison quant à ce que Jésus fait. Mais il a tort, toutefois, d’affirmer ce que Jésus ne fait pas. Le Sermon sur la Montagne est rempli d’allusions, de parallèles et d’explications de l’Ancien Testament. On ne devrait pas proclamer que Jésus donne un sermon moderne comme nous pourrions le faire. Mais le point important n’est pas de dire que « enseigner », dans le Nouveau Testament, signifie « exposer la Parole », mais que les deux idées ne peuvent être nettement séparées.

La compréhension de ce qu’est l’enseignement par les Juifs du premier siècle ne doit pas être séparée d’une judicieuse interprétation des textes inspirés. Jésus fut reconnu par beaucoup comme « rabbi, » un titre informel signifiant « enseignant ». Comme enseignant, Jésus citait fréquemment l’Écriture de l’Ancien Testament ou l’expliquait. En fait, Old argumente que l’enseignement de Jésus dans les parvis du Temple à la fin de son ministère avait pour but de montrer que Jésus était l’aboutissement de l’office rabbinique. En Matthieu 21–23, nous voyons les différentes écoles de ce temps – les Hérodiens, les Pharisiens, les Sadducéens — venir à Jésus avec leurs questions au sujet de la Loi, et Jésus répondre à toutes (1:106). En résolvant leurs devinettes et en évitant leurs pièges, Jésus montre qu’il était le maître enseignant, le rabbi de tous les rabbis. Et, en faisant cette démonstration, il expliquait et interprétait constamment les Écritures. La compréhension de ce qu’est l’enseignement par les Juifs du premier siècle ne doit pas être séparée d’une judicieuse interprétation des textes inspirés, ni ne peut être réduite à « transmettre les traditions orales. »

L’enseignement dans les épîtres pastorales

Mais que dire si — en dépit de l’arrière-plan de l’Ancien Testament et de celui de la synagogue et de l’utilisation de l’« enseignement » dans le Sermon sur la Montagne et d’une compréhension plus large de ce qu’est le ministère d’enseignant dans l’église primitive – Paul avait choisi d’utiliser une définition très étroite de l’enseignement dans les épîtres pastorales ? Après avoir examiné tous les usages du terme « enseigner » dans les épîtres pastorales, Dickson conclut que « enseigner », comme verbe ou comme nom, ne fait pas référence à l’exposition de la Bible, mais aux paroles apostoliques établies pour les églises (59). Dit plus simplement, « enseigner » ne signifie pas faire de l’exégèse et appliquer ; cela signifie répéter et transmettre (64–65). L’« enseignement » paulinien n’était jamais (c’est le mot de Dickson que je souligne) une exposition de la Parole dans le sens contemporain (74). Quoi que ce soit d’autre que le terme enseigner puisse comporter en d’autres endroits, selon Dickson, pour Paul, il signifiait seulement transmettre la tradition orale.

Dickson a certainement raison sur le fait que « enseigner » dans les épîtres pastorales traite de la transmission du bon dépôt de la vérité apostolique au sujet de Jésus. L’érudit complémentariste conservateur Bill Mounce, par exemple, n’a pas de problème quand il affirme que 1 Timothée 2:12 traite de la « transmission pleine d’autorité et publique de la tradition au sujet de Christ et de l’Écriture » (Pastoral Epistles (Les épîtres pastorales), 126). Mais notez que Mounce ne réduit pas la tradition chrétienne à des paroles seulement, à l’exclusion de l’explication de l’Écriture. De la même manière, le Theological Dictionary of the New Testament (Dictionnaire théologique du Nouveau Testament) argumente que didaskein « est étroitement relié à l’Écriture même dans le NT » (146). Plus tard le TDNT affirme que, même dans les épîtres pastorales « la connexion historique entre l’Écriture et didaskein est toujours intacte » (147).

On n’a pas à identifier didasko avec un sermon en trois parties pour voir que la transmission du dépôt apostolique peut difficilement être effectuée à l’exclusion de toute référence et exposition de la Bible.

Il est certain que cela est juste. Pensons-nous réellement que quand Paul insistait sur le fait que les anciens devaient être capables d’enseigner, cela n’avait rien à voir avec le fait de traiter les Écritures ou de diviser droitement la parole de la vérité (2 Tim. 2:15) ? Enseigner doit être plus large que la seule transmission des traditions orales, car comment Paul aurait-il pu, s’il en était autrement, donner l’ordre aux femmes âgées d’« enseigner ce qui est bien » (kalodidaskalo) aux femmes plus jeunes ? Ou bien considérez 1 Timothée 4:13, où Paul dit à Timothée de se consacrer lui-même à la lecture publique de l’Écriture, à l’exhortation et à l’enseignement. Il est certain que ce ne sont pas des tâches identiques, mais, selon l’interprétation de Dickson, Timothée avait à lire les Écritures, exhorter à partir des Écritures et transmettre le dépôt apostolique sans la moindre explication d’aucune des Écritures qu’il aurait tout juste lues.

De la même manière, Dickson affirme que, quand Paul dit que toute Écriture est utile pour enseigner, il veut dire que Timothée devrait en privé lire l’Écriture de manière à être mieux équipé pour transmettre publiquement le bon dépôt, mais, à nouveau, sans expliquer un passage de la Bible  (52–53). Si cela est correct, alors Paul n’a jamais voulu dire aux enseignants d’expliquer les versets de la Bible en réprouvant, corrigeant ou exerçant. La Bible peut donner des informations sur ces tâches, mais elle n’implique jamais d’exposition d’aucune sorte (57). Ceci amène notre crédulité au point de rupture. Considérez la prédication dans les Actes. Il est difficile d’y trouver quelque transmission du bon dépôt qui ne soit associé aussi à l’explication des Écritures. Et en 1 Corinthiens 15 où Paul est en train de transmettre explicitement ce qu’il a aussi reçu, le message ne consiste pas en une simple répétition de formules verbales, mais en la tradition apostolique, qui dit que Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, et qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures. On n’a pas à identifier didasko avec un sermon en trois parties pour voir que la transmission du dépôt apostolique peut difficilement être effectuée à l’exclusion de toute référence à la Bible et à l’exposition de son contenu.

L’enseignement dans le sermon d’aujourd’hui

Si la définition par Dickson de l’enseignement ancien est trop étroite, sa compréhension de la prédication contemporaine est trop appauvrie. Selon les mots de Dickson, le sermon est essentiellement un commentaire au fil du texte et une application. Je dois confesser que j’ai une vision différente de ce que signifie prêcher, non parce que prêcher est moins que exposer la Parole et en faire l’application, mais parce que c’est beaucoup plus. Le prédicateur est un kerux, un héraut (2 Tim. 1:11). Il est évident que nous ne prêchons pas avec l’autorité d’un apôtre, mais pour ceux qui sont des hommes qualifiés appelés à prêcher, ils transmettent le dépôt apostolique et ils doivent prêcher avec autorité. Sinon pourquoi Paul aurait-il ordonné à Timothée — avec un langage si impressionnant et des exhortations si graves – de prêcher la Parole, de réprouver, de réprimander et d’exhorter, avec une patience complète et en enseignant (2 Tim. 4:1–2) ?

Pour finir, je crois que l’approche de Dickson n’est pas seulement historiquement et exégétiquement non-convaincante, elle est pratiquement inapplicable – au moins pour les complémentaristes. Les égalitaristes affirmeront que les femmes peuvent prêcher pour toutes sortes de raisons. Mais les complémentaristes qui essaient d’enfiler l’aiguille et discutent en disant que « ce message de dimanche matin est un partage et non un sermon » ou « cette femme qui prêche est sous l’autorité de la présidence » trouveront que leurs arguments pour ne pas laisser les femmes prêcher tout le temps et de toute manière semblent excessivement arbitraires.

L’activité de héraut – quelle que soit l’autorisation donnée par le pasteur ou la couverture fournie par les anciens – ne peut être séparée de l’exercice de l’autorité et de l’enseignement, les deux choses qui ne sont pas permises aux femmes dans le service d’adoration.

À différents moments, Dickson admet que certaines prédications d’aujourd’hui peuvent impliquer l’enseignement et que les différentes sortes de prises de parole en public dans le Nouveau Testament se chevauchaient probablement.

  • « Je ne suggère pas que ces trois formes de prise de parole (enseigner, prophétiser et exhorter) sont strictement séparées ou qu’il n’y a pas quelque chevauchement significatif de contenu et de fonction » (24).
  • «Certains sermons contemporains incluent quelque chose qui est proche de la préservation et de la transmission avec autorité du dépôt apostolique, mais je ne crois pas que ce soit la fonction typique de l’exposition hebdomadaire de la Parole » (64).
  • « Je n’ai aucun doute sur le fait que Timothée ajoutait à ces enseignements apostoliques ses propres appels, explications et applications, mais ils ne sont pas les éléments constitutifs de l’enseignement ni sa définition. À ce point Timothée serait entré dans ce qui est plus exactement appelé ‘exhortation’ » (65).
  • « Je ne suis pas en train de créer une distinction rigide entre enseigner et exhorter, mais je fais observer que, alors que l’enseignement consiste principalement dans la transmission de quelque chose sous une forme fixée, l’exhortation est principalement le fait de presser le peuple de Dieu d’obéir à la vérité de Dieu et de l’appliquer » (65).
  • « Il n’y a pas de doute qu’il y avait un certain degré d’enseignement qui accompagnait l’exhortation et la prophétie, tout comme il y avait quelque exhortation (et peut-être de la prophétie) qui accompagnait l’enseignement » (66–67).
  • « Je pense aussi que quelques transmissions du dépôt apostolique accompagnent encore chaque sermon digne de ce nom, certains plus que d’autres» (79).

Avec tous ces éléments de prédication mélangés ensemble, comment Paul aurait-il pu attendre de Timothée qu’il démêle la pelote de laine et sache ce qu’il était censé permettre aux femmes ou non ? De façon tout aussi importante, comment savons-nous discerner quand un sermon est seulement une exhortation sans prise d’autorité et quand il glisse vers une transmission avec autorité du dépôt apostolique ? Peut-être serait-il meilleur de voir le terme « enseigner » désignant plus ou moins ce que le prédicateur fait le dimanche en opposition avec le terme hautement technique qui n’a pas de sens à partir de ce que vivaient l’église primitive, la synagogue juive, de ce qu’étaient l’exemple de Jésus ou les instructions de Paul.

Note de l'éditeur : 

Les nombre entre parenthèses font références aux pages du livre de John Dickson : Hearing Her Voice: A Biblical Invitation for Women to Preach (Entendre sa voix : une invitation biblique à prêcher pour les femmes) (Zondervan, 2014)

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