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Un RÉVEIL n'est jamais l'œuvre d'un homme ou d'un groupe d'hommes désireux de vivifier l'Église. Non ! Un Réveil est toujours l'œuvre imprévue et bouleversante du Saint-Esprit qui secoue les inerties, se rit des obstacles, volatilise les traditions établies, fouille au fond des consciences et fait toutes choses nouvelles. Nous avons connu quelque chose de cela, il y a près d'un siècle : en l’évoquant, aujourd'hui, nous sommes encore tout tremblants…

C'était en 1922. La France pansait ses plaies : plus d'un million de ses enfants avaient péri sur les champs de bataille de l’Argonne et devant Verdun au cours de la plus cruelle des guerres. Elle achevait de relever ses ruines et reprenait le rythme habituel de son existence. Le laïcisme de mort, qui avait mis la religion chrétienne au ban de la nation, exerçait toujours ses méfaits, séduisant les humbles et déroutant les intellectuels. Un bon républicain, imprimait-on jusque dans la presse quotidienne, a « balancé par-dessus bord les vieilles chansons qui ont bercé notre enfance ! » Une vague de jouissance passait sur les jeunes : à tout prix, il fallait oublier les années terribles.

Que faisait l'Église a cette époque ? Elle vivotait entre les murs de ses sanctuaires. Contraints par les évènements, de nombreux pasteurs avaient dû abandonner leurs troupeaux pour rejoindre les armées : la paix revenue, l'Église semblait destinée, elle aussi, à retrouver son train-train coutumier.

Que se passa-t-il, a cette époque, dans les paroisses réformées du sud du département de la Drôme ?

D'abord, l’arrivée simultanée de quelques jeunes pasteurs frais émoulus de facultés de théologie aussi diverses que celles de Montpellier, Paris et Genève. Certains d'entre eux avaient connu la vie hérissée de dangers des tranchées face à l’ennemi. Leur désir et la vocation qui les animaient les incitaient à se consacrer avec zèle à ceux qui leur étaient confiés. Devant eux les portes étaient largement ouvertes et l'affection de leurs paroissiens leur était acquise. Cependant, très rapidement, de nombreuses questions se pressèrent dans leur esprit inquiet : quelle place la pensée de Dieu occupait-elle chez ces rudes travailleurs de la montagne et de la plaine ? Où donc se manifestait une vie chrétienne authentique ? Pouvait-on compter sur la collaboration effective de tant de conseillers presbytéraux qui ne daignaient même pas participer au culte dominical ?

Alors une intense souffrance nous étreignit, une souffrance qui revêtit, parfois, l’aspect d'une véritable agonie. Était-ce pour perpétuer un protestantisme formaliste que nous avions accepté tant de sacrifices et échappé à tant de dangers ; valait-il la peine de consacrer son temps à des paroissiens plus enclins à considérer le pasteur comme celui qui apporte quelques paroles réconfortantes que comme l'homme de l’Esprit qui sert Jésus-Christ ? La soif d'un renouveau spirituel nous hantait. Cette souffrance fut le premier pas vers le Réveil.

Elle fut suivie d'une ardente supplication à Dieu. Nous criâmes à lui. Nous le suppliâmes de prendre en pitié nos Églises. Nous nous humiliâmes pour elles et pour nos pauvres ministères incapables de remédier, apparemment, a une situation sans issue. Nous le suppliâmes d'ouvrir les écluses du ciel et de répandre d'en-haut l’Esprit qui fait revivre les ossements desséchés. Ce fut le deuxième pas vers le Réveil.

Petit à petit une conviction s'imposa à nous : l'approche d'une heure exceptionnelle de Dieu, la certitude que, répondant à notre attente, il allait faire toutes choses nouvelles. Le renouveau que nous recherchions était à notre portée : il n'y avait plus qu'à le saisir dans un acte de foi et à le vivre par avance. Ce fut le troisième pas vers le Réveil.

Et le Réveil vint ! II prit naissance dans une annexe de l'Église la plus déshéritée de la montagne, en plein été, alors que la moisson et les travaux des champs retenaient la population, de l'aube jusqu’après le coucher du soleil. Sur ces hommes et ces femmes, harassés de fatigue, retentit un message de puissance convaincante : Dieu d'abord! Le Réveil de la Drôme est sorti tout entier de cette affirmation répétée sans nous lasser : Dieu est Dieu ! Dieu est grand ! Dieu est saint ! Dieu ne se contente pas de ce que vous êtes ! Et ce mot d'ordre inattendu remplit les temples délabrés de la montagne d'une foule d'abord étonnée, puis courbée dans le repentir et les décisions profondes. Les conversions se multiplièrent en quelques jours. Comme un torrent impétueux que rien ne peut arrêter ni endiguer, il déferla dans la vallée, gagnant le chef-lieu de la paroisse ; puis, il déborda sur les paroisses voisines, secouant partout l'apathie des protestants formalistes, s'étendant peu à peu jusque dans la plaine du Rhône… Establet, La Motte-Chalançon, Arnayon, Léoux, Valdrôme, Saint-Dizier, Nyons, Vinsobres, Sainte-Euphémie, Dieulefit, Bourdeaux, Puy-Saint-Martin, Poët-Laval, Valréas, Saint-Paul-Trois-Châteaux… ces noms évoquent pour nous le souvenir des premières missions de réveil conduites par ceux qu'on a appelés « les Brigadiers de la Drôme ». Nous revoyons ces temples pleins d'une foule attentive, puis saisie par le message du salut. Ici, l'assemblée s'est levée pour manifester sa résolution de répondre à l'appel reçu ; là, tous les jeunes d'une paroisse ont signé avec émotion une « carte de décision » sur la table de communion ; ailleurs, un village entier a été comme pris d'assaut par la puissance du Saint-Esprit qui contraignait chaque habitant à se poser la question : Suis-je certain que Dieu se contente de ce que je suis ?

C'était un printemps spirituel, une fête d'allégresse…

Les « Brigadiers » ne tardèrent pas à être appelés en dehors de leur territoire pour y présider de semblables réunions. Ce fut l’épopée de la Brigade à travers les provinces de France, en Suisse, en Belgique et jusqu'en Algérie. Et les flammèches du feu qui avait pris naissance dans la Drôme vinrent allumer de nouveaux foyers vivifiants dans toutes les régions visitées.

Que reste-t-il de cette flambée de l’Esprit, près de cinquante ans plus tard ? Cette question nous est souvent posée. Beaucoup ne sont plus sur cette terre pour témoigner des bienfaits reçus. Mais ils sont moins rares qu'on ne le suppose, ceux que nous rencontrons encore et qui nous disent avec humilité et reconnaissance : « C'est dans telle réunion que, repris dans ma conscience, je me suis abandonné à Dieu et que j'ai pris une décision qui a changé le cours de toute ma vie. Je le loue de ce qu'il m'a permis de lui rester fidèle. »


Auteur : Edouard Champendal

Ichthus n°10, février 1971, page 16 à 18

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