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Les auteurs actuels abordent le sujet sous un ou deux angles.

La plupart d’entre eux présentent la prière comme un moyen de connaître l’amour de Dieu et de vivre l’unité avec lui. Ils promettent une vie de paix et de repos perpétuels en Dieu. Ces auteurs offrent souvent des témoignages éblouissants de la présence de Dieu dont ils se sentent régulièrement entourés.

D’autres livres associent la prière, non pas au repos intérieur, mais au fait d’invoquer le nom de Dieu pour qu’il établisse son royaume. La prière y est perçue comme un combat où la présence de Dieu n’est pas toujours perceptible. The Still Hour d’Austin Phelps en est un exemple. Son postulat est qu’il est normal que les chrétiens ne ressentent pas la présence de Dieu quand ils prient car elle est difficile à trouver.

Le théologien Donald Bloesch adopte la même grille d’interprétation dans The Struggle of Prayer. Il y critique ce qu’il appelle le « mysticisme chrétien ». Il s’oppose à l’enseignement selon lequel le but de la prière est d’être en communion avec Dieu, car elle ne serait alors qu’une « fin en soi » égoïste. De son point de vue, le but ultime de la prière n’est pas de réfléchir posément, mais de supplier Dieu avec ferveur pour que le royaume de Dieu se concrétise dans le monde et dans nos vies. L’objectif suprême de la prière est donc « l’obéissance à la volonté de Dieu, et non la contemplation de son être ». La prière ne vise pas à atteindre un état intérieur mais à se conformer aux desseins de Dieu.

Comment expliquer cette différence de point de vue entre la prière « centrée sur la communion » et la prière « centrée surle royaume » ? Une explication possible est qu’elle reflète les expériences concrètes des chrétiens.

Certains se rendent compte que Dieu les laisse insensibles et qu’il leur est très difficile de rester concentrés plus de quelques minutes dans la prière.

D’autres ressentent régulièrement la présence de Dieu. Cela explique, au moins en partie, ces divergences.

Néanmoins, les différences théologiques jouent également un rôle. Bloesch et ses confrères expliquent que la prière mystique cadre davantage avec la vision catholique de la grâce de Dieu insufflée en nous directement à travers le baptême et la messe, qu’avec la doctrine protestante selon laquelle nous sommes sauvés par la foi placée dans la promesse de l’Évangile de Dieu.

Quelle idée de la prière est la plus juste ? Faut-il supplier avec ardeur ou adorer paisiblement? Cette question nous oblige à trancher, ce qui est peu judicieux.

Quand nous avons besoin d’aide, nous devrions commencer par consulter les psaumes. Les deux facettes de la prière y sont représentées.

Les psaumes 27, 63, 84, 131, ainsi que le « long alléluia » formé par les psaumes 146 à 150 décrivent une communion avec Dieu dans l’adoration. Au Psaumes 27.4, la chose primordiale que David demande à Dieu dans la prière est d’« admirer l’Éternel dans sa beauté ». Il formule d’autres requêtes, mais pour lui, il n’y a rien de mieux que de connaître la présence de Dieu. Il prie donc : « Dieu […] Mon âme a soif de toi […] C’est pourquoi, dans ton sanctuaire, je te contemple pour admirer ta puissance et ta gloire. Car ton amour vaut bien mieux que la vie, aussi mes lèvres chantent sans cesse tes louanges » (Psaumes 63.2-4).

Voilà une vraie communion avec Dieu.

Il existe cependant en plus grand nombre encore, des psaumes de lamentations, de cris vers Dieu pour qu’il exerce son pouvoir dans le monde, ainsi que des psaumes où l’absence de Dieu s’exprime crûment.

Ces prières-là sont réellement des combats. Les psaumes 10, 13, 39, 42-43, et 88 en fournissent un exemple. Le psaume 10 commence par cette question: « Pourquoi ô Éternel, es-tu si loin? Pourquoi te caches-tu aux jours de la détresse? » Soudain le psalmiste s’écrie : « Lève-toi, Éternel ! Dieu, interviens ! Et n’oublie pas les malheureux ! » (Psaumes 10.12). Il semble ensuite se par- ler autant qu’il parle à Dieu : « Pourtant, toi, tu vois bien la peine et la souffrance, tu veilles pour tout prendre en mains ! […] tu viens en aide à l’orphelin » (Psaumes 10.14). À la fin de sa prière le psalmiste s’en remet à la sagesse et au temps de Dieu dans toutes les situations, tout en exigeant une justice sur la terre. Tel est le combat de la prière centrée sur le royaume.

Pour le psalmiste, la prière recherche à la fois la communion et le royaume.

J’ai écrit un livre dans lequel j’analyse les prières de la Bible, puis je réfléchis à la théologie biblique de la prière et aux raisons pour lesquelles, en tant qu’êtres créés, nous avons la capacité de prier. Il est écrit que Jésus-Christ est notre médiateur afin que, malgré notre absence de mérite, nous puissions approcher sans crainte du trône de Dieu et crier pour qu’il réponde à nos besoins (Hébreux 4.14-16, 7.25). Dieu lui-même habite en nous par le Saint-Esprit (Romains 8.9-11) et nous aide à prier (Romains 8.26-27) afin que, par la foi, nous puissions dès à présent contempler la gloire de Christ (2 Corinthiens 3.17-18).

La Bible nous fournit ainsi une base théologique aussi bien pour la prière centrée sur la communion que pour celle centrée sur le Royaume.

Après réflexion, nous pouvons comprendre que ces deux sortes de prières ne sont ni en opposition, ni à ranger dans des catégories différentes. L’adoration se nourrit de la supplication. Prier « Que ton nom soit sanctifié », revient à louer Dieu dans la mesure où nous lui demandons de montrer sa gloire au monde, pour que tous l’honorent comme Dieu. De même, la recherche du royaume de Dieu impliquera de prier pour connaître Dieu.

L’abrégé du catéchisme de Westminster nous apprend que le but de notre existence est de « glorifier Dieu et d’en faire nos délices pour toujours ». Cette citation célèbre englobe les deux sortes de prières : celles centrées sur le royaume et celles centrées sur la communion avec Dieu. Bien que glorifier Dieu et en faire nos délices ne coïncident pas toujours dans cette vie, un jour, ils ne feront qu’un. Nous pouvons prier pour la venue du royaume de Dieu, mais si nous n’aimons pas Dieu de tout notre être et plus que tout, nous ne l’honorons pas vraiment en tant que Seigneur.

Enfin, quand nous lisons les livres de nombreux grands auteurs classiques, tels qu’Augustin, Luther et Calvin, nous remarquons qu’ils ne prennent pas position pour un camp ou un autre. Même l’éminent théologien catholique Hans Urs von Balthasar a cherché à rééquilibrer la traditionnelle prière mystique contemplative. Il met en garde contre le danger de se perdre dans l’introspection : « La prière contemplative […] ne peut ni ne doit être une contemplation du moi, mais une écoute et un regard plein de révérence pour […] le tout autre, la Parole de Dieu. »


NDE : cet article est un extrait adapté au format blog du livre La prière : s’émerveiller dans l’intimité de Dieu de Tim Keller des éditions Clé. Reproduction interdite.

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