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Alors que je commençais cet article, je découvrais l’évènement tragique de Nice. Je n’ai pas changé de sujet pour les quelques lignes suivantes. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de discourir sur les tragédies dont nous inondent de manière très « crue » nos chaînes d’info. Il nous faut par contre persévérer dans la prière, la compassion envers une humanité qui souffre. Je note quand même qu’en ce jour de démonstration de puissance militaire, c’est la violence humaine qui a eu le dernier mot.


Comme tous les ans, le 14 juillet a commencé par le traditionnel défilé. Rien de bien spécial. La plupart des pays célèbrent leur jour de fête nationale avec des défilés. Discours, défilés d’anciens combattants, fanfares, etc. Traditionnel défilé du 14 juillet. Et pourtant il y a quelque chose de particulier au défilé national français : son obsession militaire. 

Unis par la puissance

Bien sûr, il est impossible de ne pas penser aux défilés des « César » ou des généraux romains victorieux. Leurs défilés, paradant à la fois leur puissance militaire, mais aussi leurs vaincus, ont longtemps entretenu l’imagination populaire. L’image populaire, ou l'identité populaire, était d’ailleurs l’un des objectifs de tels défilés. Un seul peuple, uni par la victoire, et ce contre un même ennemi. Et souvent, le général vainqueur, en particulier s’il est « César », jouissait d’une quasi divinisation. 

C’est cette quête d’identité nationale que nous trouvons encore au coeur du sens social donné au défilé militaire du 14 juillet. Lorsque ce défilé fut critiqué par certains élus écologistes il y a quelques années, ils furent vivement critiqués pour s’être attaqués à la république elle-même, à ses valeurs. Ils s’étaient attaqués à ce qui constitue la société française elle-même. L’évocation de la suppression du défilé militaire fut de l’ordre du psychodrame. Pourquoi ? Parce que le signal envoyé est que nous sommes unis par une puissance militaire en laquelle nous pouvons avoir confiance. Nous sommes unis par un acte fondateur militaire unissant tous ses citoyens. 

Une autre association identitaire peut être faite. Il s’agit encore du triomphe romain, le modèle parfait du défilé militaire. Une autre signification importante des triomphes romains était la création d’une société qui pourvoyait à la béatitude de ses citoyens. La connotation est ici presque religieuse ! Et comme le triomphe romain, notre défilé militaire est symbole d’une promesse. Celle d’un état et de son armée, qui promet un état de « bien » à ceux qui y sont associés. Etat de bien qu’il a bien malheureusement du mal à assurer.

Où sont les vaincus ?

Pour d’autres, le défilé militaire est encore un signe de « prévention ». Autrement dit : ne venez pas nous marcher sur les pieds. Oui, le défilé militaire n’est plus une parade des vaincus. Mais il est encore une parade de la possibilité de détruire l’autre. Vous pourriez me dire que cette démonstration de persuasion est toujours meilleure – et moins sanglante – qu’une réelle campagne militaire.  La démonstration n’est pas tant celle de la protection, mais de la dissuasion. Dissuasion qui dit possibilité de détruire. Comme symbole, le défilé militaire est une promesse de destruction possible adressée à ceux qui envisageraient des actions belliqueuses. Nous ne faisons plus défilés les vaincus. Mais nous faisons défiler la promesse de leur future destruction, le cas échéant.  

Je ne suis pas pacifiste. Pas au sens où nous le comprendrions normalement. Je ne suis pas non plus un militariste, loin de là. Il ne s’agit pas non plus de dénigrer le service de ceux qui se consacrent à la sécurisation et la défense publique du pays. L’hommage rendu à ceux qui ont combattu ne me choque pas car c’est l’un des éléments les plus évidents et donc « anodins » de ce défilé. Je tiens à ce que ce dernier point soit bien clair. Ma critique ici n’est pas contre la « mémoire » faite à ces concitoyens souvent anonymes. [1] 

Une démonstration de puissance

Non. Ce dont il s’agit est bien plus profond. Il s’agit de notre soumission à une idéologie de la puissance – ici de la puissance militaire. Ce qui me trouble profondément dans ce défilé, c’est la gloire que notre pays (pour ceux qui comme moi partagent cette nationalité) tire de sa soit disant puissance militaire. Ce défilé, comme démonstration de puissance militaire, est pour le chrétien que je suis profondément troublant. Il met en valeur des idéaux (ou des idéologies) en tension avec la foi qui m’a été donnée. Il y a des moyens de célébrer et de commémorer l’histoire sans capituler devant une démonstration de puissance qui risque souvent de prendre la place de la vraie puissance, celle trouvée dans le pardon, la compassion et l’humilité. 

Car la puissance n’est pas premièrement démonstration de la possibilité de vaincre. Elle est essentiellement affirmation de la transformation de toutes choses sous et en Christ. La polémique à peine voilée de Paul contre l’impérialisme romain est instructif. Celle-ci est manifeste dans l’emploi récurrent que fait Paul des images du triomphe romain pour décrire l’oeuvre victorieuse de Christ et son application aux croyants. C’est le cas surtout dans ses lettres aux Romains et aux Corinthiens. 

Célébrons le défilé déjà victorieux de celui qui, au jour de tout accomplissement viendra en triomphe consumant pour toujours mal, souffrance, injustice. Célébrons notre unité en celui qui « un et indivisible », seul Dieu libérateur, peut nous apporter grâce et paix. Et disons avec l’apôtre Paul : « Grâce soit rendue à Dieu, qui nous entraîne toujours dans son triomphe, dans le Christ, et qui, par nous, répand en tout lieu l'odeur de sa connaissance ! » (2 Co 2.14)


[1] Précision d’autant plus importante que la critique du défilé militaire du 14 juillet est souvent considérée  comme irresponsable, pathétique, inacceptable et comme une remise en cause des « valeurs de la république ».

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