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Face à une tragédie nationale comme celle qui a touché la France la semaine dernière entre mercredi et dimanche, comment le chrétien peut-il réagir ? La question est importante. Chacun a son idée et les commentaires, ou articles sur les réseaux sociaux et autres sites dédiés, sont nombreux. D'autant plus que, comme l'un d'entre eux le rappelle bien, « il faut peu pour faire beaucoup de dégâts à son témoignage chrétien sur Facebook [comme sur tout autre réseau social]. »1

Chrétien… j'affirme la liberté de s'exprimer

Dans une situation comme celle que nous avons connue la semaine passée, et dans le climat actuel qui risque de s'installer pendant les semaines qui viennent, il est bien sûr nécessaire d'affirmer que chacun a droit à son opinion. Cette liberté de penser, puis de s'exprimer, est l'une des libertés considérées comme centrales dans les sociétés occidentales modernes. Il ne me viendrait pas à l'idée de la remettre en question. Et pourtant, force est de constater que cette liberté que nous avons est limitée. La liberté de s'exprimer n'est jamais absolue. C'est pour cela que nous ne pouvons pas exprimer des idées révisionnistes, ou des idées racistes, et avec raison !2 

En conséquence, j'affirme la liberté de s'exprimer, et je peux pas dire avec l'article précédemment cité que « soit #jesuischarlie, soit je me tais. » C'est ce type de choix radical qui enferme et limite le chrétien dans son témoignage. Je ne suis pas Charlie, et je ne me tais pas… mais j'explique ce que je pense. Cela aussi, fait partie de la responsabilité du témoignage chrétien. Pour être témoin fidèle de Christ, je n'ai pas besoin d'« être Charlie ». Oui, il faut faire attention aux vives émotions suscitées par les tragédies de mercredi. Mais comme le disait un ami : « Lorsque j'ai expliqué à mes collègues pourquoi 'je ne suis pas Charlie', ils ont compris ». Mais il faudra expliquer avec beaucoup de patience et de compassion parce que beaucoup (et même la plupart !) de nos voisins et collègues ont été bouleversés par ces meurtres. 

Chrétien… j'affirme que tout n'est pas utile

Avec cette liberté d'expression, nous avons aussi le droit de rire de beaucoup de choses, voire même de tout. Mais je ne suis pas convaincu que nous devrions rire de tout, surtout lorsque ce rire est un rire de dérision, de plate moquerie. Par exemple, il serait tout à fait inacceptable, à mon sens, de tourner en dérision la mort de ces dix-sept personnes ! D'autant plus que, comme disciple de Christ, je suis tout à fait conscient que tout ce qui est permis (la liberté d'expression étant une de ces choses) n'est pas nécessairement utile. Tout n'est pas utile à l'encouragement mutuel, à l'amour et à la compassion. Il nous appartient de vivre cette différence motivée par le respect et l'amour des autres. Ce sera peut-être là aussi l'un des caractères distinctifs de l'attitude chrétienne. 

L'un des problèmes auxquels nous sommes ici confrontés, c'est la nécessité de maintenir la liberté d'exprimer son humour, même son sarcasme, tout en respectant les autres. Ceci est une question d'autant plus sensible dans les sociétés sécularisées dont certaines sont devenues tout à fait incapables de comprendre pourquoi la « foi » ou la « religion » est pour quelques-uns un domaine si sensible qu'il peut nourrir une violence inacceptable

Compatir… sans « Être »

Dans les semaines qui viennent, les chrétiens devront être les personnes démontrant le plus d'amour et de compassion. Ils devront être tout aussi humains que Christ, l'être humain plein et entier, l'incarnation de l'amour et de la compassion. Plus que jamais, nous devrons prendre garde à ne pas juger, à ne pas rejeter, à ne pas stigmatiser. Cela veut dire comprendre la source de la haine et de la violence qui se manifestent déjà, tout en en montrant la futilité. Cela exige aussi de nous de continuer à être témoins de Christ auprès des musulmans qui nous entourent, de deux manières : (1) en rappelant comme beaucoup le font déjà, que des actes comme ceux de mercredi ne sont pas représentatifs des musulmans et (2) en continuant notre mission de réconciliation auprès de tous.3

Mais ma compassion est adressée à des êtres humains. Je ne suis pas solidaire d'un journal comme Charlie Hebdo – quelles que soient les opinions de ce dernier. Je ne peux qu'être solidaire des personnes et de leur douleur ; solidaire des doutes des uns, et des peurs des autres ; solidaire des angoisses des uns, et des craintes des autres. C'est cela qui fait de moi un témoin radical de Christ. C'est parce que, « chrétien », je suis un être humain avant tout, et un être humain transformé par la grâce du Dieu fait homme. La compassion de Christ, celle dont nous voulons nous nourrir, nous demande de pleurer avec ceux qui pleurent, de donner l'espérance à ceux qui se sentent abandonnés, et de faire preuve en tout temps de patience et d'amour. L'attitude publique chrétienne devra donc premièrement être une attitude d'écoute, de compréhension et de compassion. 

Car c'est en fin de compte l'amour qui doit motiver notre témoignage et notre apologétique, motivation d'autant plus cruciale après les réactions de violence qui ont parcouru le pays dans les jours suivant les tragédies de la semaine dernière. Continuons de prier pour nos contemporains, et continuons d'être témoins fidèles de Christ.

 


1- Stéphane Kapitaniuk, « Charlie Hebdo: comment le chrétien peut détruire son témoignage sur Facebook », NotreEglise Point Com, accédé le 10 janvier 2015.

2- Le législateur définit ce qu'il n'est pas légitime d'exprimer, tout au moins en public. Par exemple, l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949 sur « les publications présentant un danger pour la jeunesse », limite la liberté d'expression surtout lorsque les idées exprimées présentent « un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère licencieux ou pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l’incitation à l’usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants », Légifrance, accédé le 10 janvier 2015.

3- Les communiqués des deux instances protestantes sont bien équilibrés mais, malheureusement, ne rappellent pas plus l'un que l'autre la nécessité de continuer à être des témoins de la grâce, de la compassion et de la réconciliation vécues en Christ.

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