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Après plusieurs semaines de discussions intenses, la situation de la Grèce a peu à peu quitté le centre des actualités. Cependant, le souci économique et politique reste présent. Qu’arrivera-t-il à la Grèce ? Et à la zone Euro ? La stabilité politique de l’Union Européenne peut-elle être, à long terme, mise à mal ? Et plus que tout, notre économie en souffrira-t-elle autant que certains le craignent ? La situation est préoccupante. Mais pourquoi parler de la Grèce dans un article apologétique. Comment cette situation pourrait-elle conduire à la présentation raisonnée, convaincante, de la foi chrétienne ? C’est ce que je propose de regarder maintenant.

J’ai gardé le silence…

Je commencerai par dire que ces dernières semaines nous n’avons pas souvent démontré la sagesse de la foi chrétienne. Le plus souvent, les chrétiens que nous sommes ont été pris par l’esprit du temps. Certains ont dénoncé le coup d’état économique contre la Grèce, montrant du doigt le pouvoir inadmissible des compagnies financières. D’autres ont annoncé les conséquences désastreuses que toute cette affaire aurait sur les autres économies. Tous se sont contentés de répéter ce que nous pouvions lire dans les journaux ou sur des sites internet à la réputation douteuse.

En faisant ainsi, nous n’avons pas été sages. Nous nous sommes laissé prendre par les sentiments, par des a priori économiques plus ou moins variés. Au lieu de cela, peut-être aurions-nous dû nous contenter de dire : « j’ai gardé le silence parce que les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît. » C’est à mon sens la prudence et la sagesse chrétiennes qui devraient nous encourager à cela. Car soyons humbles et honnêtes : qui comprend toute la portée, toutes les causes et les implications de cette crise grecque ? Cependant cette sagesse ne signifie pas que nous n’avons rien à dire.

De la sagesse du témoignage

Alors que dire ? Comment dans cette situation rendre compte de notre foi chrétienne d’une manière qui soit un appel à revenir vers le Dieu créateur ? Je crois que nous devons réfléchir, sur un fondement biblique, à notre vie économique. En cela, nous avons encore à apprendre de Calvin, qui eut une influence important dans ce domaine. Au point de départ de sa réflexion, il y a deux éléments essentiels. Tout d’abord la conviction que « si quiconque se rend esclave des richesses, il faut nécessairement qu’il se soustraie à la puissance et à la domination de Dieu : car l’avarice nous rend toujours esclaves du diable. » (1) Ainsi notre cœur règle notre vie économique.

Deuxième point de départ de Calvin, « il ne fait aucun doute qu’on verrait régner entre nous une parfaite équité, si nous étions aussi bons disciples à pratiquer la charité active (s’il faut dire ainsi) que nous le sommes subtilement à prêcher la charité passive. » (2) Le réformateur de Genève exhorte ici à une cohérence entre paroles et actes, ou entre foi et actes. Mais la réflexion économique de Calvin va beaucoup plus loin, et je mentionnerai seulement deux autres directions pour notre propre réflexion économique.

L’économie est un reflet des relations sociales

Tout d’abord, Calvin avait fortement conscience que les échanges économiques faisaient intégralement partie de la vie en société et que nous ne pouvions pas nous y soustraire. Plus encore, il considérait les échanges économiques comme une « bonté » et une grâce particulières parce qu’elles favorisaient les relations naturelles entre les hommes. Ainsi, notre vie économique personnelle encourage et nourrit les relations humaines, ou bien elle les décourage et les détruit. Calvin était convaincu que la recherche du profit individuel ne pouvait avoir comme conséquence que la destruction des relations sociales. Peut-être que notre réflexion devrait aussi s’appuyer sur cette conviction.

Cela signifie alors que la première question que nous devons nous poser n’est pas de savoir qui est responsable de cette crise grecque, mais comment utilisons-nous notre argent ? Ici Calvin demeure d’une grande pertinence. En effet déjà il dénonçait :

« en maintes occasions ‘le gaspillage’, ou au contraire ‘le stockage, l’accaparement et la spéculation’ comme autant de manifestations de l’égoïsme et du péché des hommes, corrompant l’ordre naturel de l’économie qui devait, selon le dessein de Dieu, assurer à toutes les créatures de quoi vivre en abondance. »   (3)

Contre ce gaspillage et ce stockage incontrôlés, notre foi devrait nous conduire à privilégier et à valoriser le don et la gratuité, notamment à travers l’exercice diaconal.

L’économie est un reflet de notre foi

Cette gratuité et cette bonté sont le reflet de notre foi. C’est le deuxième grand principe que nous pouvons prendre de Calvin. La vie économique a donc aussi un effet pédagogique, nous exhortant à la bonté et à la gratuité. L’injustice et la pauvreté que nous voyons autour de nous devraient motiver notre générosité. Et cela sans autre raison que la bonté elle-même, car le « bien » n’a pas besoin de raisons, rappelle Calvin à de nombreuses reprises.

La manière dont nous vivrons notre économie personnelle sera la mesure et la démonstration de notre foi. C’est pourquoi les échanges économiques ne sont pas à diaboliser. Une démonstration de notre foi passe par une gestion saine, c’est à dire équitable et juste pour tous. La question n’est pas de savoir comment critiquer le système économique actuel, mais comment démontrer par notre vie économique personnelle, qu’une autre pratique économique est non seulement souhaitable, mais possible.

En essayant de conformer notre vie économique à notre foi, nous ne devons pas oublier que la communauté chrétienne, l’Église, est aussi un lieu de vie économique. L’Église est en effet « le lieu où l’ordre divin initial de circulation des biens et d’un certain équilibre dans la répartition des ressources – afin que chacun ait suffisamment, voire en abondance – peut être retrouvé dans une certaine mesure. » (4) Il nous revient d’approcher une nouvelle fois notre vie économique, personnelle et ecclésiale, avec une réflexion biblique et théologique.


1- Jean Calvin, Commentaires de Jehan Calvin sur le Nouveau Testament, Tome Premier, Sur la Concordance ou Harmonie composée de trois évangélistes a sçavoir S. Matthieu, S. Marc, et S. Luc, Paris, 1854, p.189.

2- Ibid. p. 201.

3- André Biéler, La pensée économique et sociale de Calvin, Georg Editeur, 2008, p. 245.

4- Pascaline Houriez, « Perspective de Calvin sur l’économie. La légitimation théologique du prêt à intérêt », Mémoire de Master, Université d’Aix-Marseille, 2011, p. 82.

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