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Le 3 juin 2015, Horst Brandstätter, l'un des deux pères fondateurs des Playmobil est décédé. Qui ne connaît pas ces petites figurines de 7,5 cm qui ont eu un tel succès en France que notre pays en est devenu le premier importateur ? Révolutionnaires lors de leur création il y a plus de quarante ans, les Playmobil restent un jouet qui se renouvelle sans cesse. Leur diversité et leur qualité en font toujours un jouet de choix.

Mais, que vient faire Playmobil dans un article de théologie ?  

L'imagination de Playmobil

L'histoire de Playmobil nous rappelle plusieurs choses importantes. Tout d'abord, ce jouet nous montre le pouvoir de l'imagination humaine. Et je ne parle pas ici de l'imagination de Hans Beck, le premier qui a eu l'idée de créer ces figurines. Certes, il fallait faire preuve d'imagination pour relancer la vente de jouets dans une époque où leur production était rendue difficile par la crise économique et pétrolière. Mais au-delà de ce pari créatif se trouve une certaine conception de l'imagination. 

Si Playmobil a tant de succès, c'est parce que ce jouet ne suit pas premièrement une tendance sociologique, ni même qu'il crée « la demande ». C’est plutôt parce que la compagnie a su comprendre le processus imaginatif de l'enfant. Horst Brandstätter l'explique d'ailleurs bien. Lors d'une interview, un journaliste lui demanda quel était le secret de Playmobil. Voici sa réponse : 

« On me demande ce qui a fait le succès de Playmobil pendant plus de trente ans. Je vais vous dire […] Ce n'est pas ce que vous voyez en regardant le jouet, c'est ce qui se passe ici [dans la tête], et ça vous ne pouvez pas le voir. »

Playmobil a compris que le jouet ne devrait ni conditionner l'enfant ni son imagination. Le jouet n'est qu'un instrument qui prend vie au sein de l'imagination des enfants. Et Brandstätter de marteler que le caractère d'un personnage Playmobil se crée dans l'esprit des enfants, et pas ailleurs. 

Le pouvoir de l'imagination

L'imagination a un pouvoir créatif insoupçonné par la plupart d'entre nous. Nous ne comprenons pas son importance, ni sa portée. Nous avons même souvent du mal à croire qu'elle puisse avoir une pleine place dans la vie chrétienne ! Après tout, la Bible se lit et se comprend avec la raison. Nous n'imaginons pas la Bible, pas plus que nous n'imaginons les passages bibliques que nous méditions. Alors à quoi bon l'imagination enfantine ? 

Ce serait oublier que le Dieu qui nous a faits à son image est un Dieu d'imagination ! Tout est l’œuvre de son imagination : des choses les plus quotidiennes aux plus incroyables. De plus, Christ lui-même a fait preuve d'imagination dans son interaction avec ses contemporains. Les paraboles en sont un bon exemple. Et ne parlons pas du livre de l'Apocalypse ! Enfin, l'interprétation de la Bible laisse place à l'imagination. Dans les récits évangéliques nous sommes parfois obligés d'imaginer la situation des acteurs présentés. Le pouvoir narratif de la visite de Jésus chez Simon le pharisien en Luc 15 peut être renforcé par l'usage de notre imagination. Lorsque la « femme pécheresse » fait son entrée et que nous réalisons de manière imaginative tout ce qu'elle a bravé pour venir vers Jésus, notre compréhension du texte évangélique s'en trouve enrichie !

De nombreux auteurs chrétiens ont souligné l'importance de l'imagination, de Thomas d'Aquin à Dorothy Sayers, ou de Jean Calvin à J. R. R. Tolkien. Le grand apologète anglais G. K. Chesterton se plaisait à écrire que le fou n'est pas celui qui a perdu la raison mais celui qui n'a que sa raison. C'est celui qui a perdu son imagination. Convaincu que l'imagination est l'un des plus grands plaisirs que l'être humain pouvait ressentir, Chesterton souligna que le but de l'imagination était de nous rapprocher toujours plus de cette « image de Dieu. »

La construction d'une vision du monde

Une deuxième leçon intéressante c'est celle mentionnée par Bruno Bérard, alors directeur général de Playmobil-France. Dans une courte interview, il fit référence à une double manière de construire une vision du monde. L'adulte construit sa vision du monde à partir de quelque chose de général. Ce n'est qu'ensuite que des exemples particuliers viennent s'y intérgrer. L'enfant se sert d’abord de détails, d'exemples, pour en arriver à une vision du monde plus élaborée. La construction d'une vision du monde – d'une histoire par exemple – est donc plus empirique chez l'enfant. C'est ainsi que ses histoires démontrent une richesse et une capacité de changement que l'adulte a souvent perdues.

Je me demande parfois si notre théologie évangélique n'est pas à l'image de cette vision du monde imaginative de l'enfant. Parfois nous fondons une vision biblique du monde sur une suite d'expériences personnelles et non sur une lecture intégrale et globale de l'Écriture. Le problème d'une telle démarche ce n'est pas la valeur accordée à l'expérience personnelle. Toute foi, toute lecture est fondamentalement personnelle. Le problème c'est qu'en fondant une vision biblique sur une suite d'expériences personnelles, notre théologie est susceptible de suivre aveuglément tous les changements. Une expérience malheureuse ou une expérience mystique douteuse, et voilà notre théologie changée ! 

Playmobil, c'est l'histoire de l'imagination humaine. C'est l'histoire de l'un des plus grands dons humains témoignant de l'empreinte de Dieu en nous.

Mais c'est aussi un rappel que souvent nous oublions que nous sommes des êtres d'imagination. Cet oubli affecte notre compréhension de Dieu et diminue la pertinence de notre témoignage.

A nous de réclamer la force de l'imagination dans notre vie chrétienne !

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